Ébloui par l’implacable mécanique poétique de la prose dont la perfection permet cette immersion dans le monde des exclus en en évitant les poncifs et autres lieux communs du vivre à terre. Quel univers !! Celui dont le « nom se cogne aux angles de son squelette », ou ce « grand fœtus osseux et sans visage ». Entraîné dans ces « corridors qui pissent le jus sous terre », on est carrément hanté par des personnages shakespeariens pour qui « le temps glisse entre les pattes comme des gourmettes en toc ou des clopes trafiquées ».
Et on s’habille de cette « identité perdue de chacun »
" Il est presque la nuit. Le rideau s’ouvre en soussol.
Sur un strapontin, elle ou il est l’actrice ou l’acteur d’une pièce sans aucun argument ni metteur en scène. Si l’on parvient à se concentrer sur autre chose que sur son propre pouls qui bat l’absence, elle devient une femme définitivement. Engoncée dans le grand pétale en cuir craquelé de son blouson, elle est un coeur de rose qui n’éclora jamais. Elle a vingt-neuf ans, peut-être cinquante. Nous tous la regardons s’extraire de notre mise en scène atroce de voyeurs fascinés par ce que ni la médecine, ni la bienséance n’autorisent. Nous sommes au pays de l’âme et de ses métamorphoses insensées, partie tenter ailleurs l’aventure sans lendemain de la forme sauvage puisque impensable; mais qui pense est toujours à court. "
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Laissés pour contes
Tristan Félix
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12 euros
Format 12 x 21 cm
Papier vergé
Dos carré collé
68 pp.