Format 12 x 21
Dos collé
170 pp.
16 euros
Federico Fellini
Il Bidone (1955). Fellini est manifestement fasciné par l’indécence de l’arrivisme bourgeois. Sa critique n’est que morale, ce qui suppose une adhésion politique de fond. Il couve de son christianisme arnaqueur les veaux et les bidonneurs devenus riches. Ça claironne ou bien l’on surprend dans les yeux l’ancienne bassesse qui se demande quel parti tirer de tel ou de telle. Le moralisme de Fellini n’est pas désirable. Pourtant, on désire quand même. On se laisse prendre à son atmosphère urbaine. La douceur infinie des crépuscules du soir et du matin, le vide des places, l’eau endormie des fontaines, la prostituée qui rentre à la maison ou en sort diamantée de théâtre, le pavé luisant d’humidité, les sons avalés par la discrétion de la musique, la lumière qui vient des pierres grisées par l’Histoire, l’homme perdu dans ses pensées, qui s’interroge pour savoir s’il n’a pas été assez piétiné, le chuintement que fait dans le silence l’usure des vêtements du pauvre, une odeur de vase et de café, de frais et de sommeil, le rappel soufflé d’une cloche d’église, la solitude. Le moralisme est encore dans ce regard maternel sur les vivants et les objets tant morts qu’usuels. C’est écœurant. Pourtant, je désire quand même.
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Ce qui a été présenté quelquefois comme le caractère maniériste de Fellini réside dans ce qu’il contraint obstinément l’image photographique dans la direction qui conduit du visionnaire au caricatural. Fellini n’est pas un voyant, c’est un caricaturiste. De ce point de vue, il m’intéresse : l’illuminé, c’est dommage, ne va pas sans proposer un avenir ; le parodiste se complaît dans le massacre du présent, il n’y aura pas de lendemain.